Photo_Thomas_Universit_23c514e43521591bfbf9c44581e32b17

par Thomas DE KONINCK – répondant Jean-François MATTEI

Juillet 2004 – Cannes.

Conférence donnée dans le cadre de l’homme de l’année 2004 à Cannes : SAINT EXUPERY

Saint-Ex, un humaniste?

Il faut se méfier du mot «humanisme». Michel Foucault le rappelait, «il y a eu un humanisme qui se présentait comme critique du christianisme et de la religion en général; il y a eu un humanisme chrétien en opposition à un humanisme ascétique et beaucoup plus théocentrique (ceci au dix-septième siècle). Au dix-neuvième siècle, il y eut un humanisme méfiant, hostile et critique à l’égard de la science; et un autre qui plaçait [au contraire] son espoir dans cette même science. Le marxisme a été un humanisme, l’existentialisme, le personnalisme l’ont été aussi; il y eut un temps où on soutenait les valeurs humanistes représentées par le national-socialisme, et où les staliniens [eux-mêmes] disaient qu’ils étaient humanistes».
Ce mot d’humanisme ayant, en somme, servi à désigner, au cours de l’histoire, des positions aussi disparates, n’a-t-il pas perdu toute consistance? Ne devrait-on pas y renoncer?
Je ne crois pas du tout, pour ma part, qu’il faille y renoncer. Mais il est vrai que l’«humanisme» a grand besoin d’être mieux défini pour notre temps. Il faut en quelque sorte, «remplir le mot», selon une expression de Saint-Ex dans Citadelle : «Les mots essaient d’épouser la nature et de l’emporter. Ainsi j’ai dit « montagne» et j’emporte la montagne en moi avec ses hyènes et ses chacals et ses ravins pleins de silence et sa montée vers les étoiles jusqu’aux crêtes mordues par les vents … mais ce n’est qu’un mot qu’il faut remplir». Or il me semble que ce qu’a fait entre autres Saint-Exupéry, c’est précisément de remplir le mot «humanisme». Ce que résume du reste avec bonheur la phrase suivante, dans Citadelle encore : «(…) Il convient en permanence de tenir réveillé en l’homme ce qui est grand et de le convertir à sa propre grandeur» .
Il n’est pas possible de rendre justice à ce thème dans l’espace d’une conférence. Ce qui frappe quand on relit Saint-Ex, c’est la richesse et la pertinence toujours accrue de ses idées, leur profondeur philosophique également, tout au contraire de l’impression que retiennent celles ou ceux qui ne l’ont lu qu’en surface. J’ai dû faire des choix, que j’espère représentatifs, tout en reconnaissant que d’autres s’imposeraient sans doute avec une égale force…

Saint-Ex, un humaniste? – texte intégral