Biographie
Un jeune membre de l’Action française
Issu d’une famille de négociants bordelais, royalistes maurassiens, Daniel Cordier fait ses études dans différents collèges catholiques. Il porte le nom de son beau – père Charles Cordier, second mari de sa mère , fils d’Auguste Cordier professeur de philosophie . Il milite à 17 ans à l’Action française et fonde à Bordeaux le Cercle Charles-Maurras. En effet, comme il le reconnaît dans Alias Caracalla, en tant qu’admirateur de Maurras, il est, au début de la guerre, fascisant, antisémite, antisocialiste, anticommuniste, antidémocrate et ultranationaliste, souhaitant même, après son ralliement à la France libre, que Léon Blum soit fusillé après un jugement sommaire à la fin de la guerre. Il écrit dans son autobiographie qu’il ne serait jamais entré dans la Résistance sans les articles du théoricien du « nationalisme intégral ». Mais, contrairement à son maître à penser, il refuse d’emblée l’armistice par patriotisme.
Le traumatisme de la défaite de juin 1940
En juin 1940, il se trouve avec sa famille à Bescat , attendant avec impatience son incorporation prévue le 10 juillet. Le 17 juin, il écoute à la radio le premier discours de chef du gouvernement du maréchal Pétain, s’attendant de la part du vainqueur de Verdun à une volonté de poursuivre la guerre ; il est donc totalement révolté par l’annonce de la demande d’armistice. Après avoir rassemblé seize volontaires et espérant que l’Empire français continuera la guerre, il embarque le 21 juin à Bayonne sur un navire belge, le cargo Léopold II, qui devait aller en Algérie1.
Le bateau fait finalement route vers Londres.
La Résistance
Daniel Cordier atteint Falmouth (Cornouailles) le 25 juin et s’engage avec ses camarades dans les premières Forces françaises libres de la « Légion de Gaulle » le 28 juin 1940. En transit pendant quelques jours à l’hôtel Olympia, il est affecté au bataillon de chasseurs alors en formation et arrive début juillet à Delville Camp, pour y suivre un entraînement jusqu’à la fin du mois de juillet. Le bataillon est ensuite installé à Camberley, puis au camp d’Old Dean, où Daniel Cordier complète sa formation militaire.
Entré au BCRA, il est parachuté près de Montluçon le 26 juillet 1942. Il gagne rapidement Lyon et entre au service de Jean Moulin, membre (nommé secrètement par de Gaulle) du Comité national français, officieusement seul représentant de ce comité en métropole. Il prend alors le surnom d’Alain en référence au philosophe. Il fonde et dirige le secrétariat de Jean Moulin et pendant onze mois, il est au quotidien l’un de ses plus proches collaborateurs. Il gère son courrier et ses liaisons radio avec Londres. Il l’aide à créer divers organes et services de la Résistance, et assiste aux patients efforts de celui-ci pour unifier la Résistance intérieure française et la placer sous l’égide de Londres.
À Lyon, Cordier recrute, chronologiquement, Laure Diebold (secrétariat), Hugues Limonti (courrier), Suzanne Olivier, Joseph Van Dievort, Georges Archimbaud, Laurent Girard, Louis Rapp et Hélène Vernay.
À Paris, Cordier emmène la majorité de son équipe, à laquelle se joignent Jean-Louis Théobald, Claire Chevrillon et Jacqueline Pery d’Alincourt3.
À Lyon, Cordier est remplacé par Tony de Graaff, avec Hélène Vernay (secrétariat) et Laurent Girard (courrier)3.
Ce long travail aboutit à la fondation du Conseil national de la Résistance (). Il a fallu pour cela passer par bien des frictions et des divergences avec beaucoup de chefs de la Résistance, ainsi qu’avec Pierre Brossolette, autre envoyé de De Gaulle et concurrent de Jean Moulin4. Brossolette réclamera, entre autres, le rappel de Cordier à Londres après l’arrestation et la mort de Jean Moulin.
Resté jusqu’au 21 mars 1944 au service du successeur de Moulin à la délégation générale, Claude Bouchinet-Serreulles, Cordier passe les Pyrénées en mars 1944, est interné par Franco au camp de Miranda, puis rejoint la Grande-Bretagne.
Après-guerre
À l’occasion du procès de René Hardy en 1947, il dépose dans le sens de sa culpabilité dans l’affaire de Caluire. Il conclura à nouveau à cette culpabilité des décennies plus tard « en [son] âme et conscience », cette fois après de longues recherches historiques.
Après la guerre, Cordier choisit de tourner la page et d’oublier radicalement cette période de sa vie, il ne parle plus de la Résistance en public pendant plus de trente ans.
Il ne se consacre plus au militantisme politique et a renoncé à ses opinions d’extrême droite au contact du radical-socialiste Jean Moulin. Il adhère désormais à un socialisme humaniste et non marxiste, aidant discrètement à la fondation du Club Jean Moulin au début des années 1960.
Daniel Cordier a été le tuteur légal d’Hervé Vilard.
Peintre et marchand d’art
« Jean Moulin fut mon initiateur à l’art moderne. Avant de le rencontrer, en 1942, j’étais ignorant de cet appendice vivant de l’histoire de l’art. Il m’en révéla la vitalité, l’originalité et le plaisir. Surtout il m’en communiqua le goût et la curiosité », écrit Daniel Cordier, en 1989, dans la préface du catalogue présentant sa donation au Centre Pompidou. Sitôt les hostilités finies, il commence une carrière de peintre, s’inscrit à l’académie de la Grande Chaumière en 1946, en même temps qu’il achète sa première œuvre, une toile de Jean Dewasne, au Salon des Réalités nouvelles.
Pendant dix ans, Cordier peint et collectionne : Braque, Soutine, Rouault, De Staël (« dont la rencontre d’une toile […] fut [sa] révélation de l’art moderne »), Hartung, Villon, Reichel, Réquichot, Dado. « Il ne cessera de compléter sa collection personnelle qui comprendra, outre les peintres de sa galerie, Arman, Tàpies, Mathieu, Hundertwasser, Kline, Tobey, Wols, César, Tinguely, Stankiewicz, Hantaï, Reutersward, Sonnenstern, Ossorio, Takis, Chaissac… »
C’est ainsi qu’en novembre 1956 Daniel Cordier, en ouvrant sa première galerie, se lance dans ce qui allait être une brillante carrière de marchand d’art. Après une première exposition consacrée à Claude Viseux, il expose, conjointement Dewasne, Dubuffet et Matta. Pendant huit ans, nombre d’artistes, pour beaucoup découverts, lancés et soutenus par Cordier, se succéderont dans la galerie, avant que celui-ci, pour des raisons économiques et financières, mais aussi du fait du manque d’intérêt qu’il ressent, en France, pour l’art contemporain, ne mette la clé sous la porte en juin 1964 pour se tourner vers l’organisation de grandes expositions.
- Artistes présentés lors de l’exposition « Daniel Cordier. Le regard d’un amateur » (1989)